Pause café avec Toto Chiavetta
A l’occasion de sa sortie sur le label Mule Musiq, l’EP ‘Magnus’, nous avons eu l’occasion de prendre un café avec l’Italien Toto Chiavetta, afin de lui poser quelques questions qui nous titillaient depuis quelques temps. De sa musique à son quotidien, ce talentueux producteur nous livre les secrets d’un son unique en son genre.
Tu as un style unique et très personnel, différent de ce qu’on entend habituellement. Comment l’as-tu développé et qui t’a inspiré ?
Je ne pourrais dire comment j’ai développé mon style car ça s’est fait naturellement. Quand je produis, je choisis uniquement des éléments que j’ai envie d’entendre à un moment spécifique. Je ne pourrais pas supporter de devoir écouter les mêmes parties d’un morceau à répétition si je ne les aimais pas tant que ça. Ca vient vraiment de façon spontanée.
Personne n’a vraiment été mon inspiration, mais je dois dire que ce que faisait Kenny ‘Dope’ Gonzalez au début a eu un fort impact sur moi.
As-tu parfois des difficultés à trouver des morceaux qui se mixent bien avec les tiens ? As-tu déjà songé à jouer en live pour cette raison ?
Oui, c’est parfois difficile mais c’est une passion. Il n’y a que très peu de producteurs dont j’aime vraiment les productions, et je ne jouerais pas un track dont je suis pas sûr à au moins 90%.
J’ai effectivement songé à créer un live mais je pense qu’il est peut-être trop tard car il ya déjà beaucoup de très bonnes performances live. Je ne trouve pas ça intéressant si je ne peux pas apporter quelque chose de nouveau et d’innovant.
Tu vas bientôt sortit un EP sur Mule Musiq : ‘Magnus’. On a l’impression que tu as essayé d’explorer différents styles avec chaque track, en utilisant de nouveaux éléments. Quelle est l’histoire derrière cet EP ?
En réalité je préfèrerais garder cette histoire pour moi 😊
Parfois, produire veut dire être exposé à de nouveaux éléments et sonorités, jusqu’à ce qu’on entende une petite voix nous dire ‘ça c’est bien’. C’est un peu ce qui s’est produit avec cet EP.
Tu as déjà deux sorties à ton actif sur Innervisions, ce qui n’est pas négligeable. Quelle est ta relation avec les boss du label, et comment cela s’est-il déroulé ?
J’entretiens de bonnes relations avec eux, ainsi qu’avec toute leur équipe. C’est un label très pro et c’est appréciable. Ils m’ont directement contacté sur les réseaux sociaux.
Quels sont tes hobbies en dehors de la musique ?
Honnêtement, je dors beaucoup, et j’aime aller au cinéma. J’aime aussi boire du vin en regardant les Formule 1, ce qui est d’ailleurs une bonne technique pour s’endormir.
Tu as un tatouage apparent sur l’épaule droite, que représente-t-il ?
Il représente les facettes de la vie. Un jour j’étais avec Frank Wiedemman, et son très jeune fils a attrapé mon bras et m’a dit : « Regarde, une cascade ! ». J’ai aimé son interprétation.
A quoi ressemble une journée classique dans ton studio ?
Ces derniers temps, je fais de la musique dès mon réveil, et j’écoute ce que j’ai fait dans la journée avant de m’endormir le soir. Je répète la même routine chaque jour jusqu’à ce que je considère un track comme fini. Ce processus peut prendre plusieurs mois pour un seul morceau, notamment car j’édite et je refais le mixage de nombreuses fois. Je travaille généralement sur plusieurs projets en même temps.
J’ai un petit studio d’enregistrement, mais récemment j’en ai eu marre de travailler toujours au même endroit – au bout d’un certain temps je me sentais comme emprisonné – je fais donc désormais de la musique avec un ordinateur portable et 3 casques. Je change de pièce presque chaque jour. Bien sûr si j’ai besoin d’enregistrer quelque chose de particulier, je peux retourner au studio.
Tes morceaux sont particulièrement sobres et élaborés. Sont-il le fruit d’un réflexion en amont, et utilises-tu des machines particulières pour pour produire ce type de sons ? Enfin : où te situes-tu dans l’éternelle guerre entre analogue et digital ?
Quand je commence un track, la seule chose que j’ai en tête c’est de quelle façon le morceau doit sonner, et j’ai déjà une idée assez précise d’où je souhaite placer tel ou tel élément sur les fréquences mono et stereo. Je choisis les différents éléments en gardant leur rôle en tête, et le morceau qui en découle sera d’un style ou d’un autre. Je passe surtout des heures à retoucher le mixdown, même si j’en suis assez satisfait. Malheureusement (ou heureusement peut-être) je ne suis jamais pleinement satisfait du résultat. Parfois le style de track m’importe peu, tant que ce que j’entends plaît à mes oreilles, peu importe les notes ou mélodies. Cette approche changera peut-être à l’avenir, car je n’ai pas toujours travaillé de cette façon.
Je suis pour le digital mais j’utilise des analog emulators sur presque chaque channel d’un projet.
Que penses-tu de la scène musicale actuelle en Italie ? Il y a de nombreux artistes, mais il semble que presque tous gagnent leur vie plutôt à l’étranger, que ce soit en tant que producteur ou DJ. Est-ce le cas pour toi également ?
En ce qui me concerne, tout a commencé et continue dans la petite ville où je vis. Je n’ai jamais voulu partir vivre à l’étranger. Je pense que le lieu où vous vivez importe peu, c’est plutôt ce que vous produisez qui vous ouvrira des portes. Bien sûr certaines villes peuvent vous apporter plus d’opportunités en terme de contacts, mais je pense qu’il faut déjà avoir une identité musicale propre pour bénéficier de ces opportunités. Après tout, la musique naît du silence.
Cela dit, c’est vrai que je voyage souvent pour des collaborations, et il se peut que j’envisage de partir à l’étranger à l’avenir, pour que les choses soient plus simples.
En tant que DJ, la grande majorité de mes dates sont à l’étranger, je ne pense pas que la ville où on vit soit très important en fin de compte.
Es-tu satisfait de ta carrière pour l’instant ? Quels sont tes plans pour l’avenir ?
Oui j’en suis satisfait, mais je veux aller beaucoup plus loin. J’ai tellement plus à donner. Pour l’instant je suis plutôt satisfait de la musique que je produis, mais pour être honnête il y a quelques mois j’avais des doutes sur ma capacité à progresser. Je peux en dire de même pour mes DJ sets.
La seule collaboration notable en vue est avec un de mes producteurs favoris. Le temps nous en dira plus.
Qu’aurais-tu fait dans la vie si tu n’avais pas été musicien ?
J’ai étudié le droit, mais j’ai toujours voulu faire de la musique, et je suis assez chanceux pour en vivre aujourd’hui. Un rêve de gosse aurait été de devenir pilote de Formule 1.
Lequel de tes morceaux est le plus marquant pour toi, et pour quelle raison ?
Analog Suite, non pas parce que c’est mon meilleur track, mais parce que je l’ai produit pendant une période difficile. J’étais heureux de voir la réaction du public. Je me suis dit que je n’avais pas traversé cette période en vain.